Pêche et Développement : construire un lien entre pêcheurs du Nord et du Sud

Créé en 1996, Pêche et Développement a pour ambition de promouvoir un développement durable et solidaire de la pêche artisanale et de l’aquaculture dans les pays développés comme dans les pays du Sud. L’association a vu le jour après la crise de 1994, lorsque la filière fut confrontée à une chute vertigineuse des ventes et des prix du poisson, due notamment à l’ouverture du marché à la concurrence internationale. Des « comités de survie » créés par des pêcheurs artisans avaient alors organisé plusieurs manifestations, dont l’une entraîna l’incendie du Parlement de Bretagne à Rennes. « En créant Pêche et Développement, notre objectif était de mettre en relation des pêcheurs du monde entier. En Inde et en Afrique des mouvements de pêcheurs émergeaient. Et si ici les professionnels s’inquiétaient ici de la concurrence internationale, cela ne signifiait pas qu’ils étaient contre leurs collègues étrangers. Pour défendre partout le métier, un dialogue était indispensable entre pêcheurs du Nord et du Sud », explique Alain Le Sann, l’un des fondateurs du collectif. Autour de lui se retrouvent des élus de Comités, des pêcheurs, des militants d’associations de solidarité internationale… Pêche et Développement participe dès 1997 au Forum Mondial des Pêcheurs à Delhi (Inde), puis organise avec le Comité Local des Pêches du Guilvinec en 2000 un grand rassemblement avec des pêcheurs venus de 32 pays à Loctudy. « L’un des problèmes est que l’avenir de la filière se décide dans des enceintes internationales comme l’OMC, où les pêcheurs ne sont pas représentés. On décide de leurs droits, de leurs obligations, de la création d’aires marines protégées, sans les consulter alors qu’ils seront les premiers impactés », s’insurge Alain Le Sann.

Pêche et Développement entend défendre la pêche dans sa diversité et ne cache pas sa méfiance à l’égard de certaines ONG environnementales. « Affirmer qu’il faut réduire la consommation de poissons, réclamer la création d’aires marines protégées où toute activité de pêche est interdite… Cela n’est pas admissible en Europe, mais c’est encore plus choquant dans les pays du Sud où la pêche est une activité essentielle et le poisson souvent la seule source de protéines. Certaines ONG veulent marginaliser la pêche voire l’éliminer par pure idéologie, sans logique environnementale », regrette Alain Le Sann. Et le président de Pêche et Développement d’ajouter : « Certes il faut réglementer la pêche, réguler la pratique de certains engins, favoriser la création d’aires marines protégées. Mais pas éliminer la profession ou refuser de l’associer au processus décisionnel. La cohabitation des activités en mer doit être le résultat d’une concertation ».

L’association s’inquiète de la crise structurelle que traverse actuellement la filière Pêche. La décarbonation est un impératif, le partage de l’espace maritime une obligation, l’évolution des techniques de pêche une nécessité. Or les pêcheurs sont mal armés pour s’adapter aux changements structurels en cours. « Si on ne les aide pas à passer cette période de transition, cela pourrait être mortel pour toute la filière », s’alarme Alain Le Sann.

Face à l’importance des enjeux que défend Pêche et Développement, en outre dans une dimension internationale, le collectif lorientais manque cruellement de moyens. Il compte une trentaine d’adhérents et son budget est limité. Mais sa newsletter est diffusée par mail à 1300 exemplaires et son site Internet a reçu 540 000 visites en 2023. Surtout l’association a créé en 2008 le festival du film Pêcheurs du Monde. Le seul festival de cinéma exclusivement consacré à la mer et à la pêche. Chaque année, l’événement attire à Lorient près de 3000 spectateurs. La preuve que la filière Pêche continue à sensibiliser de nombreuses personnes.